Extrait d’un article de Julien Collinet paru dans « Financité Magasine », en décembre 2015.
Né aux états-unis il y a 20 ans, le projet Housing First est en phase test depuis deux ans dans 12 villes belges. Il vise à réinsérer des sans-abris (140 actuellement) via l’accès au logement. Rencontre avec Coralie Buxant, coordinatrice du programme.
Quel est le concept de housing First ?
Aujourd’hui, on propose aux sans-abris de nuits en maison de vie. Mais pour y être accepté, il faut passer des étapes liées à diverses conditions, comme des cures de désintoxication, et cela ne fonc- tionne pas. Avec ce projet, on propose une formule alternative. On appréhende le logement comme une solution au processus d’insertion. Les conditions sont les mêmes qu’avec un locataire traditionnel : il y a un contrat de bail, un loyer à payer, une garantie locative à verser et on peut être expulsé si on ne répond pas à toutes les dispositions. La seule différence, c’est que le locataire est accompagné du début à la fin.
Le versement d’une garantie locative représente-t-il un frein ?
Dans le cas de logement privé, le montant de cette garantie s’élève à 867 € en moyenne. C’est une somme non négligeable, car beaucoup touchent le revenu d’intégration. Mais c’est tout simplement le montant du loyer mensuel qui peut faire peur aux candidats, notamment en cas d’addiction. Avoir une adresse peut aussi les freiner. Les personnes endettées ont peur qu’on les retrouve plus facilement. Côté bailleur, il faut casser les a priori. On fait du marketing social en contactant les propriétaires, puis en organisant des rencontres et enfin en assurant une médiation. Beaucoup craignent de ne pas percevoir les loyers et redoutent des dégâts locatifs… Mais au final, on ne recense que 10 % d’irrégularités de paiement des loyers et il y a eu une seule fois des dégradations, suivi d’une expulsion.
Peut-on déjà tirer un premier bilan ?
L’expérimentation prendra fin en juin 2016, mais déjà le taux de maintien en logement est très satisfaisant : 93 %. Il ne faut pas se leurrer, ce sont des personnes avec des problématiques très lourdes et les premiers mois sont très difficiles. Ils peuvent ressentir de la solitude, surconsommer des produits. Mais, après 6 mois, ils renouent des liens avec leur famille, ont accès parfois à des formations ou à l’emploi. Il y a une évolution positive de la santé.
En termes d’estime de soi, ça va dans le bon sens. Cela a un coût, mais on économise sur d’autres postes comme la santé ou la justice. Au bout du compte, ça montre que cet investissement est durable.